jeudi 30 avril 2009
La face nord de René Desmaison
Lorsque j'ai commencé à lire la postface du livre, une petite phrase sibylline m'a tout de suite dérouté ...... « quitte parfois à égratigner le héros des cimes » et puis je me suis laissé porter par le récit.
Le livre n'est ni drôle ni anecdotique, je dirai rude plutôt comme le granit, comme l'acier trempé des grimpeurs de haut niveau.
J'ai croisé René Desmaison, il n'avait plus cette hargne et les quelques mots échangés avec lui au détour d'une conversation de bistrot, ne laissait en rien transparaître ce qu'il avait été, il était serein, tranquille tout à l'opposé du récit de Philippe Bonhème pourtant je ne mets aucunement en doute ce qui est écrit tout au long de l'ouvrage. Desmaison se savait déjà atteint d’un cancer
Ce qui dérange, c'est le ton abrupte, comme l'était ces hommes : sans concession entre eux, se livrant des guerres qui quelquefois (mais nous ne le saurons jamais) ont conduit à des attitudes figées et souvent imbéciles au détriment des secours et des vies en jeu. La polémique autour des gestes conventionnels en est une bonne illustration laissant transparaître des histoires de clans et de règlement de compte entre ceux de l'ENSA de Chamonix et les autres non issus du milieu, non issus de la vallée.
A la lecture du récit on peut se demander légitimement à quoi a servi toute cette compétition ?
Ces hommes (presque des demi dieu), comme Lachenal, Terray, Herzog ou Demaison ou encore Bonnati cherchaient l'exploit sur la moindre paroi au moindre dièdre, se "filochaient" les uns les autres pour savoir ce qu'ils avaient en tête.
Au travers de l'exploit ils cherchaient surtout la reconnaissance, la lumière des spots, les articles dans la presse, les plateaux de télé pour attirer les sponsors et vivre de leurs passions.
Pour ces grimpeurs de l'au delà et encore plus pour Desmaison l'enjeu financier était important : en racontant son histoire, en la médiatisant de manière très professionnelle, avec le concours de sa femme Simone il a su s'imposer auprès d'un public avide d'exploits mais en même temps n'a t- il pas perdu toute notion d'acte gratuit et gratifiant ?
Tout gamin je n'avais pas besoin de cela pour rester émerveillé par ses exploits, nombre de fois je me suis arrêté devant la paroi des Gillardes dans le Dévoluy où il avait aussi ouvert une voie. A l'époque j'étais au CAF, ses photos comme celle de Couzy ou Terray ornaient les murs du local de l'avenue Alsace Lorraine.
Nous étions loin alors de ce que nous livre aujourd'hui ce livre habilement écrit, l'auteur avec beaucoup de sensibilité et par un entrechat de silences bien dosés à su défaire en douceur ce mythe sans écorner totalement l'homme.
Les sources documentaires sont excellentes, retraçant bien l'ambiance de l'époque,
Un petit regret toutefois. : sa dernière compagne Caroline dans son village au pied du Luberon aurait certainement pu ajouter une dernière pointe de tendresse, c'est comme s'il manquait le dernier chapitre d'un livre afin de clore ce qui restera, pour chacun d'entre nous, une admirable aventure humaine.
Bernard Tourtet
Une soirée de présentation-dédicace-projection avec l'auteur Philippe Bonheme, journaliste à Alpes Magazine, est organisée à la Maison de la Montagne (3, rue Raoul Blanchard) mardi 5 mai à 19h.
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