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samedi 13 décembre 2008

2e Journées du grand reportage et de la parole libre à Marseille


Edwy Plenel: « Préserver le scandale de la vérité »

La moustache noire à la Dupond (ou Dupont ?), l’œil qui pétille de malice et d’intelligence, le costume sombre : pas de doute, c’est bien Edwy Plenel. Fidèle à son image, fidèle à son rôle de défenseur de la liberté et de la qualité de la presse. L’ancien patron de la rédaction du Monde, aujourd’hui à la tête de Mediapart, journal payant sur Internet, était à Marseille jeudi 11 décembre pour tenir une conférence sur « L’information selon Internet », en ouverture des 2e Journées du grand reportage et de la parole libre à Marseille. L’auditorium des Archives départementales était quasiment plein (environ 150 personnes) pour entendre ce brillant orateur.Volubile et inspiré, le professeur Plenel a donné une leçon de journalisme, balancé quelques piques à ses adversaires (Alain Minc, Vincent Bolloré, Philippe Val), raconté une blague attribuée à Edgar Morin, cité Albert Londres et Hannah Arendt et –trop ?- joué les commerciaux vantant les mérites de Mediapart.

Il a commencé par définir la mission du journaliste : « Vous aider à voir clair ». Voir « ce que les pouvoirs (politique, économique) ne voudraient pas que nous voyions ». Le rôle du journaliste, ce n’est pas « écrire des éditos, donner des points de vue, faire des commentaires ». Ceci relève de la liberté d’expression et peut être fait par tout citoyen. Et le foisonnement des blogs sur Internet le montre. « Le journalisme, c’est une compétence professionnelle : produire des informations qui aident à réfléchir, des vérités de fait. Vérifier. » L’information et la communication sont aujourd’hui des enjeux de pouvoir. Mais « ce ne sont pas les opinions qui font l’opinion, ce sont les informations. » Ne pouvant pas ne pas évoquer les Etats généraux de la presse, il a rappelé que Mediapart menait avec Reporters sans frontières la révolte contre les conditions dans lesquelles cette grande réflexion organisée par l’Etat était menée. « Des Etats généraux organisés par le pouvoir, c’est comme si Benoît XVI organisait le ministère de la laïcité » a-t-il notamment lancé. « Nous ne pouvons pas continuer à donner des leçons –et des leçons pertinentes- dans le monde si nous ne sommes pas exemplaires chez nous. Notre situation n’est pas normale. La presse écrite est contrôlée en grande partie par des grands groupes vivant en partie de la commande publique. Bientôt le Président de la République nommera le président de la télévision publique. En tout clientélisme et en toute opacité. Je préfère la situation actuelle ; je préfère des contre-pouvoirs imparfaits à pas de contre-pouvoirs du tout. Il faut une autonomie du service public, des rédactions indépendantes. La télé publique n’est pas une télé d’Etat. »

Défendre « les valeurs issues de la tradition » dans la modernité

Revenant à son sujet,Edwy Plenel a affirmé qu’il ne fallait pas craindre Internet. Internet n’est ni bon ni mauvais, c’est un outil. Tout dépend de la façon dont on s’en sert. « Il faut prendre la modernité à bras-le-corps et la tirer vers le meilleur en défendant les valeurs issues de la tradition : la qualité de l’information, la rigueur… Il y a du n’importe quoi sur Internet, c’est vrai ; mais il y en a aussi dans les kiosques !» Selon lui, « Internet donne l’opportunité de présenter l’information autrement, plus largement, plus en profondeur » en utilisant les liens hypertextes, les onglets, en joignant des documents, en montrant comment le journaliste a travaillé et quelles difficultés il a rencontrées. Sans oublier la « dimension participative » qui va au-delà du classique courrier des lecteurs et permet un dialogue entre lecteurs et avec les journalistes. Il a évidemment défendu le modèle de l’information payante sur le Web. Car payer, c’est reconnaître que les informations ont de la valeur. Pas seulement une valeur marchande, mais une valeur démocratique, une qualité. Il a également expliqué que ce qui tuait la qualité des sites d’information sur le Net, c’était l’obsession de l’immédiateté, la mise à jour tous les quarts d’heure pour rester dans le flux des infos, et donc la superficialité du résultat. « Trop d’infos tue l’info » a résumé Edwy Plenel.

Qui a souligné l’importance de la hiérarchisation des informations et du rapport au temps dans le travail du journaliste. En conclusion, il a plaidé pour que l’on préserve « le scandale de la vérité ». « Pas la vérité de croyance, de révélation.» La vérité avec un petit v, celle des faits. Celle que les puissants voudraient garder secrète. « Ce scandale-là, c’est votre propriété. »

Edwy Plénel & Jean Kéhayan, président du Club de la Presse de Marseille

Texte et photos: Sébastien Dudonné

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