

Six chargés de communication de candidats à l’élection législative en Isère ont déposé les armes pour une séance « décontraction » au Club de la Presse
Le Club de la presse de Grenoble a accueilli, mercredi 30 mai, six chargés de communication de candidats à l’élection législative de juin 2007. Dans le but de mieux connaître leur mission dans la campagne et d’apprécier les différentes personnalités qui se cachent derrière ces chargés de com’, chargés d’accompagner leur candidat vers la victoire.
Dans le rôle des interviewés : François Perez, pour le candidat René Proby (2è circonscription, PCF), Xavier Robichon, pour la candidate Marie-Odile Novelli (1ère circonscription, Verts), Julie Dupont et Damien Riollant, chargés de com’ de Geneviève Firoraso (1ère circonscription, PS), Philippe Collignon, pour le candidat UDF-Mouvement démocrate dans la 1ère circonscription, Philippe de Longevialle, et enfin Michel Tavelle, chargé de communication d’Alain Carignon, candidat UMP dans la 1ère circonscription de l’Isère.
Dans le rôle du modérateur, Mireille Simon, et des interviewers, Jean-Luc Bally, Séverine Cattiaux, Bernard Tourtet et Stéphane Poirot.
Le reportage photographique a été réalisé par Jacques-Marie Francillon.

Philippe Collignon
Xavier Robichon
Julie Dupont
Damien Riollant
François Perez
La campagne bat évidemment son plein. Les tensions comme la pression montent entre les candidats et leur staff. Mais le meilleur pour les uns, et le pire pour les autres, reste à venir. La 1ère circonscription par exemple fait actuellement l’objet d’une bataille rangée entre un candidat UMP sortant et exclu du même parti, un candidat investi par l’UMP, un autre candidat UDF-Mouvement démocrate troublé par l’utilisation abusive de son étiquette politique par ses opposants, une candidate PS qui compte les points, des Verts qui souhaitent « mûrir », un PC qui veut se refaire… et dix autres candidats en lice !
Leur entrée en campagne…
Pour Michel Tavelle, chargé de la communication d’Alain Carignon depuis des années, c’est une suite logique. Pour tous les autres, l’affaire se joue sur un coup de fil. Militants convaincus ou ami du candidat, ils répondent « oui ! » sans hésitation et s’engagent dans une croisade bénévole, avec la foi de la jeunesse pour les uns, la force de l’expérience pour les autres.
François Perez, Xavier Robichon, Julie Dupont, Damien Riollant n’avaient pas avant cette « nomination » de relations particulières avec le candidat. Seulement un partage des mêmes valeurs et un militantisme au sein de leur mouvement politique. Philippe Collignon s’est avant tout engagé auprès d’un ami. Et Michel Tavelle, poursuit donc l’histoire d’un « vieux tandem ».
Médias : pas d’emballement !
Concernant les outils de communication utilisés, si tous s’accordent pour dire que tout article, tout petit débat ou grande réunion est utile, on privilégie au PS la « proximobilité », (initiée par M. Destot). Quartiers, places publiques, lieux associatifs, sont fréquemment ponctués de mini-rendez-vous-débats avec la candidate, après invitations dans les boîtes aux lettres. Le blog devient aussi un excellent outil de proximité, apprécié par les jeunes.
Xavier Robichon ne partage pas le même point de vue, trouvant un peu « artificielle » cette course soudaine aux multiples rendez-vous. Marie-Odile Novelli pratique plutôt l’axe élaboré par les Verts, c’est-à-dire quelques grands rendez-vous publics sur des thèmes politiques avec la présence de spécialistes de l’environnement.
Un document papier, précis et reprenant l’ensemble des thèmes de campagne complète essentiellement le dispositif.
Quand on demande à Michel Tavelle, à Philippe Collignon et à François Perez de nous parler de leurs relations avec les journalistes et les medias, les perceptions et les vécus diffèrent. François Perez, baignant professionnellement dans le milieu journalistique et des médias régionaux depuis longtemps, pratique le « Rien que l’information, sans harcèlement ». Michel Tavelle, ayant été également journaliste, habitué à se frotter à un candidat deux fois ministre, entretient ses relations presse pour qu’elles soient bonnes, avec une attention particulière vis-à-vis de la presse (écrite ou audio-visuelle) à forte audience, et une « légère méfiance pour certains organes alternatifs, surtout quand ils lui déclarent d’emblée qu’ils sont contre son candidat ».
Enfin, pour Philippe Collignon, c’est l’épreuve du feu. C’est même la première fois qu’il est interviewé. Habituellement, Philippe de Longevialle gère lui-même ses relations avec les medias.
Pour tous, le réseau, agissant par maillage et capillarité est primordial. Sauf que l’étendue du filet est loin de prendre la même envergure pour les uns et les autres. Certains pêchent les voix avec une épuisette, les autres avec un chalut… Michel Tavelle reconnaissant la puissance de l’appareil UMP, Philippe Collignon, la faiblesse du Modem tout neuf…
Des « facilitateurs »
Dur dur d’être soi-même un vieux briscard de la com’ et de tendre la main à un vieux loup de la communication comme Alain Carignon. D’autant plus que le même candidat s’entoure d’un jeune directeur de campagne aux dents longues. Mais Michel Tavelle reste zen. L’ancien journaliste en a connu des campagnes, il en a reçu et donné des coups en-dessous de la ceinture. Rien ne semble arrêter ces façonneurs de campagne. Rien ne semble perturber ces soldats de l’ombre prêts à mourir au combat. « Mes relations avec le directeur de campagne du candidat UMP sont claires, organisées » confie Michel Tavelle.
Chacun des chargés de communication avoue jouer un rôle de « facilitateur » en termes de mise en relation de leur candidat avec des personnes extérieures utiles (dont les représentants de la presse). Michel Tavelle se félicite d’avoir mis au point une stratégie d’intervention rapide. Une sorte de GIGN format réduit. Le trio Julien Polat-Alain Carignon-Michel Tavelle affirme être capable de réagir en quinze minutes sur toute problématique d’urgence. Voire de prendre de l’avance sur l’opposant en diffusant 15 000 tracts politiques en quelques minutes ! complète-t-il. Une capacité de réaction à la hauteur de la machine UMP. Ecrasante. Julie Dupont insiste sur le fait que Geneviève Fioraso mise sur un « travail d’équipe » alors que Michel Tavelle rappelle que « les choses se jouent en privé », sa grande complicité avec le candidat lui autorisant des prises de position et des critiques « mais jamais en public. On ne gère pas Alain Carignon comme un petit garçon » révèle-t-il. « Est-ce cela la transparence et le consensus à l’UMP ? » ironise Damien Riollant. Quant à François Perez, il regrette que les occasions de rencontre soient rares avec la directrice de campagne du candidat René Proby. Du côté du PS, les deux chargés de com’ se réunissent une fois par semaine avec le directeur de campagne pour faire le point.
Relations avant, pendant… et après
Quant à l’attrait d’éventuelles promesses faites avant le premier tour, tous le nient et affirment suivre un engagement moral, participer à la défense de valeurs sans arrière-pensées carriéristes. « Les limites de mes engagements se fixent d’elles-mêmes » confie gravement Julie Dupont. C’est à titre personnel que Philippe Collignon soutient Philippe de Longevialle. « Sans contrat juridique ou moral », il le rejoint sur le terrain des valeurs humaines en séparant, d’emblée, les aspects professionnels et idéologiques. Xavier Robichon, lui, a été recruté spécifiquement pour la campagne des Verts Isère. Sa rémunération tombe ainsi dans les comptes de campagne. Au PC, on préfère faire appel à une âme souple et charitable, entièrement dévouée à la cause du PCF.
Le vieux matelot du PC, compagnon de toutes les luttes politiques, aurait beaucoup à transmettre au jeune Philippe Collignon qui admet volontiers « se former sur le tas », amasser une somme considérable d’informations et profiter de l’expérience des autres pour se familiariser avec la politique. Mais il peut se reposer toutefois sur le fait que son candidat (UDF) est un « bourreau de travail », que sa présence sur le terrain vaut sa réactivité sur son blog.
Même si sa passion pour sa candidate n’atteint pas l’adoration (réciproque ?) de Michel Tavelle pour Alain Carignon, Julie attend beaucoup de cette première expérience.
Y aurait-il un deal préalable à l’élection ? Autrement dit, une vie prévue après la victoire ? Julie Dupont affirme que non. Elle travaille bénévolement pour se former, pour défendre des valeurs et non pour un éventuel contrat ultérieur. Damien, lui, s’investit non pour un poste éventuel mais pour se forger une première expérience. Pour Xavier Robichon, le seul « contractuel » du groupe de chargés de com’ que nous avons invités, le fonctionnement chez les Verts est totalement transparent, les « règles sont définies à l’avance ». Mais les moyens financiers ne lui donnent pas beaucoup de latitude. Dans la guerre des nerfs, le nerf de la guerre reste indéniablement l’argent. Et l’on sait combien les législatives permettent d’en engranger…
Décideur, petit soldat dans un bataillon, supernounou, poids du parti…
Nous étions tous intrigués par le degré de responsabilité et d’influence de nos chargés de com’. En fait, leurs rôles s’avèrent fort différents, en raison à la fois de l’organisation du parti politique représenté et de la personnalité des candidats. Pour les partis « ténors » PS, UMP, le travail se fait en équipe, avec un directeur de campagne et un noyau dur de militants-acteurs.
Le PC impose assez fortement son empreinte. Les Verts mutualisent les moyens au niveau national et un comité de campagne a programmé la majorité des actions ou réunions publiques. Le candidat du Modem, lui, se retrouve essentiellement seul aux commandes de sa propre campagne.
Julie Dupont et Damien Riollant considèrent qu’ils participent pleinement, en « multi-tâches », qu’ils apportent « le renouveau de leur jeunesse », mais ils ne décident pas. Ils savent apprécier le côté « réconfortant de Geneviève Fiorasio » pour son expérience… et se sentent aussi « un peu comme ses enfants ». Philippe Collignon donne son avis quand on le lui demande, mais n’a pas pour rôle d’être un réel conseil, ni politique, ni de stratège. C’est l’ami, qu’il soutient.
Xavier Robichon se charge avant tout de l’intendance, très polyvalent « 24h/24h ». François Perez, en vieux routard de la politique conseille parfois René Proby… « qui fait bien comme il veut ». Quant à Michel Tavelle, il lui semble important de « protéger » son candidat contre tout ce qui est négatif, « un candidat, même un Alain Carignon, étant en situation de fragilité dans une campagne ».
Enfin pour tous, quel que soit leur degré de responsabilité, participer à une campagne législative est une expérience forte qui leur fait partager des instants de relations humaines rares avec leur candidat.
Au-delà des clivages…
Avant de lancer le débat, le climat était plutôt pesant. Les visages semblaient figés, les voix hésitantes, les sourires crispés et les regards d’une froideur déconcertante. A quelle sauce allaient-ils être mangés ? devaient probablement penser ces communicants expérimentés ou néophytes qui s’exposent sans cesse aux pires remontrances mais qui, invariablement, veillent sur leur candidat comme le lait sur le feu. « Lors de la campagne, il faut éviter les débordements » indiquait l’un d’eux. Il n’y en a pas eu lors de cette rencontre. La règle a été suivie, à la lettre. C’est dire qu’ils sont habitués au formatage médiatique quand bien même grande est la pression.
Ceux qui partagent, durant des semaines, la vie de leur candidat estiment, au fond d’eux, avoir une part de responsabilité en cas de victoire ou de défaite. Leur tâche est difficile. Ils nous ont prouvé qu’en pleine campagne, quand caméras et micros se battent au portillon et au moment où la pression grandit, ils étaient capables de confronter leurs points de vue sur leur métier, de s’interroger sur leur mission. Ils nous ont livré quelques ficelles de leur stratégie, confié leurs difficultés et leurs grandes satisfactions. Nous les en remercions.
Qui sait, de là à ce que cela suscite des vocations…
Synthèse préparée par Séverine Cattiaux, Mireille Simon et Stéphane Poirot
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