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mardi 12 juin 2007

Journaliste étranger

Le Club de la presse de Grenoble a décidé de venir en aide à Malonda M’Badu dans son combat pour l’obtention d’une carte de séjour provisoire. Pour mieux comprendre le triste parcours de ce journaliste Congolais, nous vous proposons un récit de Michel Cambon, membre du club et ancien président, lequel a effectivement rencontré Malonda, les associations qui le soutiennent ainsi que son avocat.
Le Club a également écrit à son avocat pour lui apporter la preuve de notre soutien.


"Malonda M'Badu vient de la République Démocratique du Congo (ex-Zaïre) pays immense et riche qui sort de huit années de guerre. Jeune étudiant de 18 ans, il vit avec sa mère, ouvrière agricole, à Kintanu dans la province du Bas Congo au bord de la rivière Insiki.
Il a hérité de son père une caméra et le goût pour la prise de vue. Il fait de nombreux films pour des mariages, des cérémonies, des événements locaux et se fait rémunérer pour cela.
Les 18 et 19 février 2006 les fortes pluies font sortir la rivière Insiki de son lit et inondent une partie du village de Kintanu (un tel drame ce produit, déjà en 2003 et 2004).
Malonda filme l'inondation et, à la demande du chef de district, il réalise des reportages pour constater les dégâts.
Le 9 mars un nouveau débordement des eaux se produit plus dévastateur encore. Cette fois ci plus de 3000 personnes sont victimes de la catastrophe, mais les autorités du pays restent indifférentes à la détresse des habitants. Livrés à eux même ils soignent les victimes, enterrent les morts et se protégent des épidémies avec les moyens du bord. Malonda est là encore pour témoigner avec sa caméra.

Le 15 mars le président Joseph Kabila, en campagne électorale, se rend à Kintanu en compagnie de son ministre de la santé Monsieur Machiako. Malonda suit et filme le cortège officiel en compagnie de quatre journalistes de la capitale. Devant les quartiers déshérités et en présence des autorités locales, le Président Kabila prononce un discours dans lequel il enjoint les habitants de libérer les terrains à proximité de la rivière. Puis il fait distribuer des médicaments par son ministre de la santé.
Mais les habitants sinistrés ne sont guère sensibles aux gestes du Président et manifestent leur colère en jetant des pierres.
De retour à Kinshasa le Président Kabila fait confisquer les reportages des quatre journalistes qui risquent de lui faire une mauvaise publicité. L'un des journalistes monsieur M'Bimba, correspondant pour RTM à Kinshasa sait que Malonda M'Badu à des images de la visite présidentielle et lui achète son film pour 20$ (15€). Trop heureux à l'idée de recevoir une telle somme et voyant une opportunité de devenir journaliste cameraman dans la capitale, Malonda lui cède une copie.

Le reportage est diffusé en direct sur RTM, mais un coup de téléphone de l'entourage présidentiel à la chaîne interrompt la retransmission.
Le journaliste M'Bimba est arrêté chez lui. Sous la menace et les coups il livre l'adresse de Malonda. Les militaires se rendent à Kintanu et le journaliste "disparaîtra".
À son tour la mère de Malonda est bousculée, la maison perquisitionnée, on trouve une copie du film mais pas de trace de son fils, car il est en train de filmer un mariage dans un village voisin. Un ami l'alerte que l'armée le recherche et qu'il doit fuir s'il ne veut pas croupir (et c'est le cas de le dire) dans une prison du pays.
Il se réfugie dans la forêt chez la tante d'un ami. Mais la pression policière se fait sentir et par crainte de représailles la femme lui demande de partir.
Il a la police à ses trousses et essuie des coups de feux. Blessé, il parvient à trouver refuge au grand séminaire Mayidi. On le soigne et un enseignant du séminaire le conduit en auto à Kinshasa et lui donne 1 500 francs (30 $).
Un ami lui indique comment passer de l'autre coté du fleuve frontière pour rejoindre Brazzaville.
Ne se sentant pas en sécurité dans la capitale du Congo, il y a souvent des échanges de prisonniers entre les deux pays, il se rend à Point Noire le grand port marchand.
Là, il vend sa caméra et se fait cireur de chaussures. Il réussit à joindre sa mère au téléphone qui lui indique que les militaires ont pris possession de la maison.
L'un de ses clients qui est chef de shipping sur le port, lui propose de l'aider à fuir à embarquant clandestinement dans un cargo.
Il fait alors des provisions pour une dizaine de jours et le 9 juin 2006 il quitte le Congo pour une destination inconnue.

Après 14 jours de mer, seul, caché et terrorisé au fond d'une cale, il arrive le 23 juin au port du Havre. Il attend la nuit pour débarquer par les amarres. Sur le quai il voit un blanc et croit qu'il est dans un pays du Maghreb. L'homme prend pitié du jeune homme appeuré, affamé et sale et l'emmène avec lui. C'est ainsi qu'il se retrouve à Grenoble un jour plus tard. Enfin, il commence un mois après son arrivée en France à faire des démarches administratives en prenant contact avec des associations.
Il apprend que sa mère, victime du harcèlement incessant des militaires, s'est suicidée le 5 octobre 2006. Sa soeur aînée qui est mariée, maman d'un petit enfant et qui vit à M'Banza Gungu à une centaine de kilomètres de Kintanu, a été arrêté par la police le 15 mars dernier. L'interrogatoire a duré deux jours et pour ne pas être inquiétée elle a dû prétendre qu'elle n'était que la demi-soeur de Malonda et qu'elle ignorait tout de ces activités.

Aujourd'hui Malonda M'Badu attend l'avis le 22 juin prochain du tribunal administratif de Grenoble pour être fixé sur son sort."


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