lundi 8 juin 2009
"Témoin Indésirable"
Hollman Morris ou le combat tragique d'un journaliste, « témoin indésirable » en Colombie
Il n'a pas vraiment un physique de héros. Baroudeur débraillé, les cheveux mal peignés et une petite bedaine tendant son polo, il ressemble davantage au croisement improbable entre Philippe de Dieuleveult et Jean-Louis Borloo. Mais il ne faut pas se fier aux apparences. Hollman Morris, journaliste de télé colombien est, par bien des aspects et à double titre, un héros.
Il est d'abord celui du documentaire réalisé par Juan José Lozano, producteur et réalisateur helvèto-colombien, intitulé « Témoin indésirable ». Ce film, projeté au Méliès à Grenoble vendredi 5 juin, a attiré un public d'une bonne soixantaine de personnes, membres ou non du Club de la Presse et des Médias de Grenoble. Celui-ci avait invité, par l'entremise de Fernand Meunier, membre du conseil d'administration du Club, Juan José Lozano à répondre aux questions du public après le visionnage de son documentaire.
L'intérêt de ce film réside principalement dans le fait que son sujet, Hollman Morris donc, est véritablement un héros. Pas un héros caricatural, sorte de saint laïque exempt de défauts et de problèmes, qui gagne toujours à la fin. Non, c'est un héros moderne et tragique, un Don Quichotte -auquel il se compare lui-même- emporté dans un combat trop grand pour lui et qui risque de le dévorer sans que ses idées triomphent. Hollman s'intéresse principalement aux victimes des paramilitaires en Colombie. Il est l'un des rares journalistes dans son pays à montrer des images des villages dévastés, des populations déplacées, des charniers exhumés, à faire parler des paysans dont les terres ont été ravagées, de femmes dont les maris ont été enlevés et sans doute tués, à dire l'horreur des tortures.
Ce combat pour la vérité, dans lequel il s'investit complètement, lui rapporte la reconnaissance internationale mais aussi des menaces de mort et la mise en danger de son couple. Ballotté entre les doutes et la foi en sa mission, entre la peur et le courage, Hollman Morris va sur le terrain et multiplie les conférences pour que ces faits très graves ne soient pas cachés, ignorés, oubliés dans un pays où, si l'on en croit Juan José Lozano, les médias ont peu de poids (la presse écrite) ou peu de volonté de s'attaquer à ce genre de sujets (la télévision paraît confondre informations, people et divertissement et être d'une complaisance sans fond avec le pouvoir politique).
Le débat d'une heure qui a suivi la projection a été assez riche et critique. Juan José Lozano a évoqué ses relations avec Hollman Morris, les conditions de tournage, le paysage médiatique colombien. Il a dit sa solidarité avec Hollman, son admiration pour ce journaliste qui « se sent investi d'une mission christique » et est la proie des contradictions, pris au coeur de « choses qui le dépassent ». Certains spectateurs ont trouvé que le film manquait d'informations précises sur la situation complexe en Colombie (un rappel historique, une présentation des différents camps en présence) et d'un regard nuancé sur Hollman et son travail (plus axé sur les exactions des paramiltaires que sur celles de la guérilla). Mais Juan José Lozano a défendu son point de vue de cinéaste -et non de journaliste- forcément parti pris: il a suivi un personnage en épousant sa vision. Il a aussi estimé avoir atteint l'un de ses objectifs s'il incite les spectateurs à se faire leur propre opinion en cherchant à en savoir plus. Il a également eu le mérite de montrer que le journalisme est, dans certains pays, une profession de passion et d'engagement total aussi dangereuse que nécessaire.
Sébastien Dudonné
(photos: JM Francillon)
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