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lundi 8 septembre 2008

Visa pour l'image 2008: des émotions et des leçons

Le festival de photojournalisme de Perpignan fête cette année ses 20 ans. Devenue une manifestation grand public sans avoir transigé sur la qualité des reportages exposés, Visa pour l'image est une expérience à vivre. Surtout pour un journaliste.
Impossible de faire le tour des expos en une journée, à moins de ne jeter qu'un oeil distrait à des oeuvres pour lesquelles des photographes ont souvent risqué leur vie... La trentaine de séries majeures de clichés sont réparties sur une dizaine de lieux au centre de Perpignan. Tous ces lieux sont chargés d'histoire et de culture: couvent, église, château-prison, caserne, ancienne université... Et même si beaucoup sont dans un état peu reluisant, ils donnent une solennité et une charge supplémentaire d'émotion aux photos. Le coeur du festival, c'est le couvent des Minimes. On y trouve la plus grande partie des expositions. Les salles et les couloirs portent le nom de monuments du photojournalisme (Göksin Sipahioglu, Joe Rosenthal...).
Au milieu des festivaliers badgés et des photographes amateurs arborant leur impressionnant matériel en bandoulière, entre les familles perpignanaises aux enfants trépignants et les amoureux de l'image venus de l'étranger (Espagnols, Italiens, Anglais, Américains...), on peut faire le plein d'images fortes.
La guerre, bien sûr, occupe une place de choix dans les sujets retenus. Guerre d'hier (Vietnam, Corée) ou d'aujourd'hui (Irak, Afghanistan, Darfour), elle allie esthétique et drame, humanité et souffrance. Deux grands baroudeurs étaient d'ailleurs présents samedi 6 septembre, l'un pour dédicacer son livre, l'autre pour commenter ses clichés. Horst Faas (Associated Press), est célèbre pour ses photos du Vietnam (quelques-unes, impressionnantes, sont exposées au couvent des Minimes. David Douglas Duncan a réalisé des vues saisissantes du conflit coréen (« This is war », photos exposées dans l'église des Dominicains). Leurs photos sont admirables et constituent l'un des points forts de cette édition.
La guerre en Afghanistan, elle, fait l'objet de deux expositions à comparer: l'une, splendide, de Paula Bronstein (Getty Images), l'autre, totalement aseptisée et dénuée de caractère informatif, de... l'armée française. Une belle oeuvre de propagande qui montre bien, en creux, ce qu'est un travail journalistique! On a d'ailleurs souhaité bonne chance au militaire chargé de justifier la présence française en Afghanistan et le bilan de son action dans le pays face à des citoyens remontés...
Impossible de décrire tout ce que montre Visa pour l'image. Les photos sont très souvent dures car les sujets sont difficiles (conflits, émeutes, exil, gangs, drogue...). Mais elles apportent des informations inestimables et des émotions en pagaille. Certaines histoires, plus optimistes ou légères, permettent de souffler un peu. Mais ce que l'on retient de tout ce travail de grande qualité, c'est une leçon de journalisme. Ces reportages montrent des réalités que beaucoup voudraient cacher, et ceux qui nous les font voir ont pris mille risques pour les partager. Avec un oeil particulier, un talent, une compassion rares. Pour le grand public, ces expositions sont une chance inouie de s'informer. Pour les journalistes, c'est une précieuse leçon. De modestie, d'abord. De courage, ensuite. D'exigence, enfin.


Sébastien Dudonné


- Mon coup de coeur: les photos de Paula Bronstein, « Afghanistan, une paix fragile ». Elles ont tout: l'info, l'émotion, l'esthétique. Et malgré la gravité du sujet, on ne ressport pas accablé. Un superbe travail.

- Mon coup de gueule: les photos de Philip Blenkinsop, « Récits des bords du fleuve jaune ». Une catastrophe. Du noir et blanc flou et crasseux, peu ou pas d'info, des sujets à peine évoqués, zéro émotion. L'expo à éviter.

- Le plus déprimant: Ex-aequo, les photos de Christian Poveda ( « La vida loca » sur les gangs d'Amérique centrale) et de Stanley Greene (« La route de la soie, aujourd'hui un pipeline pour la drogue et les maladies »). Un travail magnifique dans les deux cas mais on en ressort convaincus qu'il n'y a pas d'issue à ces situations et qu'elles sont destinées à empirer.

- Le plus optimiste: les photos de Pascal Maitre (« Une sainte dans l'enfer des grands lacs »). La volonté d'une femme pour aider à la réconciliation et à la reconstruction de peuples déchirés par la guerre force le respect et tend à montrer que l'humanité peut aussi aller vers ce qu'il y a de meilleur.

- Mention spéciale: les photos de Nina Berman (« Homeland, USA »). Avec humour -noir- et ironie, elle montre le ridicule et inquiétant militarisme diffusé dans la société américaine depuis le 11-Septembre.

Visa pour l'image continue jusqu'au 14 septembre. Entrée gratuite, de 10h à 20h. Renseignements: office du tourisme de Perpignan (04-68-66- 30-30) ou site de Visa pour l'image (www.visapourlimage.com).


Le drapeau de Visa pour l'image flotte sur Perpignan pendant deux semaines.

Des sujets durs, des photos riches en informations et en émotions.


Informations et émotions sont présentes en chaque photo.

David Douglas Duncan a commenté ses photos de la guerre de Corée samedi 6 septembre.

Horst Faas, un grand nom du photoreportage, connu notamment pour ses clichés de la guerre du Vietnam, dédicaçait sont livre samedi 6 septembre.

Les lieux d'exposition sont chargés d'histoire et de culture (ici l'église des Dominicains).

(Photos: Sébastien Dudonné)

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