Membre de l'Union des Clubs de la Presse de France et Francophones

lundi 18 février 2008

Vague bleue à Villiers-le-Bel

C’était l’actu de la matinée. Devant la proclamation d’indépendance au Kosovo. Des centaines de policiers en tenue de combat, escortés par des troupes d’élites encagoulées, suivis par des dizaines de journalistes à l’affût d’images, pénètrent en catimini à Villiers-le-Bel (Val-d'Oise). Silence on tourne… la batterie de caméras immortalise un assaut en règle. La mise en scène semble parfaite. Coupez, c’est dans la boite !


Cette spectaculaire opération policière méritait sûrement d’être surmédiatisée. D’autant qu’à trois semaines du premier tour des municipales, le moment était venu d’enfoncer le clou de la politique sécuritaire. Cela ressemble à du « déjà vu à la télé » et alors ? La police se donne en spectacle sous les feux des projecteurs. On contrôle les papiers à tour de bras, on impressionne les habitants, on joue à se faire peur, on montre ainsi que la presse a choisi son camp. Dans son article, le journaliste du Monde, Luc Bronner (Prix Albert Londres 2007), laisse apparaître son malaise. Lui qui s’est vu décerner, à Beyrouth, ce prestigieux prix pour tous ses articles sur les banlieues, justement. « L'hostilité à l'égard des médias est palpable » précise-t-il. Bronner explique également jusqu’à quel point les journalistes « emmbeded » peuvent circuler librement : « On entend les policiers tambouriner mais on ne verra pas la suite ». Plus loin : « Les journalistes ont pu suivre les forces de l'ordre devant les immeubles et, dans certains cas, monter dans les étages ». On les tient à l’écart pour leur sécurité ou pour éviter les images dérangeantes ? Luc Bronner aurait-il des remords…

Je n’ai pu m’empêcher, à la lecture de ces quelques lignes, de penser au documentaire réalisé par Pierre Creisson, quelques jours avant la deuxième guerre d’Irak. Cet extrait, nous l’avons visionné vendredi dernier lors d’une conférence à Valence, à l’invitation du Club de la presse Drôme-Ardèche.

Retour : Creisson fut arrêté, avec son ami Thomas Dandois, fin 2007 au nord du Niger, dans une zone déclarée interdite par décret présidentiel. En pleine affaire de l’Arche de Zoé, nos deux confrères sont qualifiés de « journalistes irresponsables » par le chef de l’Etat Français. C’est justement en raison de l’interdit qui pèse sur cette région du Niger qu’ils ont voulu enquêter sur la rébellion Touareg. Toutes leurs images ont été saisies par la justice Nigérienne. Soit neuf jours de « rush » aux oubliettes. Pshiiit ! Aussi, s’étaient-ils déplacés à Valence avec plusieurs bobines dont une, réalisée à l’aube de la deuxième guerre d’Irak.

Dans ce remarquable « docu » diffusé sur Arte, Creisson s’amuse à filmer la presse « embarquée » et celle qui refuse d’être cornaquée par les GI’s. Les seconds disposent de moyens dérisoires comparés aux autres, mais leur motivation et leur courage sont exemplaires. Ils comptent sur le système D et leur expérience pour les aider à surmonter les difficultés de tournage. Il semblerait que, parmi les reporters de guerre, les journalistes Français aient un vilain penchant pour la deuxième façon de couvrir un conflit. C’est certain et c’est tant mieux. Au péril de leur vie, certes. Jean-François Julliard, responsable communication de RSF, était présent à la conférence à Valence. Il a, de son côté, rappelé que les journalistes français portaient ce lourd héritage, celui de fixer l’objectif dans la plaie. Plus qu’un devoir, un honneur.

Stéphane Poirot

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